Showtime vs. ABC

Publié le par sharkjumping

Aujourd'hui, Shark Jumping vous offre un petit rattrapage en matière de chaînes américaines.  

 

Le monde des séries télévisées aux USA est partagé entre deux camps bien définis ; il y a les chaînes « hertziennes » et les « câblées » (guillemets obligatoires, car la frontière entre les deux est parfois difficile à discerner), soit entre les chaînes « populaires » (nos TF1/M6 à nous) et les chaînes plus alternatives (utiliser le terme « indépendantes » serait se fourvoyer sur la nature de leurs financements).

 

Dans les séries TV de nos jours, le classement se fait de cette manière :


Chaînes populaires : ABC, NBC, CBS, CW, FOX

 

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Chaînes alternatives : Showtime, HBO, AMC, Starz, FX

 

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Pendant des dizaines d’années, les chaînes populaires ont dominé le marché des séries TV, tout simplement parce qu’elles diffusaient le même genre de produit ; une série bien ficelée, plutôt puritaine, pas trop violente, qui n’est pas très difficile à suivre.

 

Pourtant le temps passe et les séries se multiplient ; mais au lieu d’innover réellement (nous verrons quelques contre-exemples par la suite), les chaînes populaires ont simplement eu la bonne idée de se « spécialiser » dans un domaine particulier.

 

Sachez, chers lecteurs, que CBS est bien connue pour diffuser bon nombre de séries policières ; les trois versions de CSI (i.e Les Experts, pour les gens élevés par TF1), NCIS et son spin-off désastreux, The Good Wife, The Mentalist.

 

NBC, elle, joue plutôt dans la catégorie « comédie » (le jeudi soir est aussi connu pour être « comedy night » sur NBC) avec 30 Rock, The Office, Chuck, Community.

 

CW, résultat de la fusion récente entre UPN et The WB, joue sur le créneau des « teen soaps » avec toutes les horreurs qu’on n’avoue pas regarder mais dont on se délecte, au moins un temps : Gossip Girl, One Tree Hill (« Les Frères Scott », de sa merveilleuse traduction), Vampire Diaries, Smallville, 90201 ainsi que le récent Hellcats (qui n’a pas fait long feu, mais on le mentionne pour que la liste soit un peu plus longue)

 

Et puis il y a les deux autres, qui tentent de se diversifier un peu plus:

 

FOX, fameuse chaîne du réseau Murdoch, connue pour son puritanisme extrême, oscille entre comédie gentille (Glee, Trafic Light) et humour un peu plus corrosif : The Simpsons, Family Guy, House, Raising Hope.

 

Et pour finir, ABC, la plus puissante de toutes, mais dont les séries se ressemblent énormément du fait de leur réalisation impeccable (dans le sens « rien ne dépasse »), de leurs scénarii trop bien ficelés et leur capacité à toucher un public extrêmement large. Je vous donne en mille les séries de ABC, au top des audiences depuis près de 40 ans : Happy Days, Wonder Woman, L’Homme qui Valait Trois milliards, Drôles de Dames, Super Jaimie, Arnold et Willie, et plus récemment Lost, Grey’s Anatomy, Desperate Housewives, Modern Family, Private Practice. 

 

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(Shark Jumping remercie tout de même ABC pour avoir créé Happy Days et ainsi de lui avoir offert sa parfaite mascotte) 

 

Pourtant, toutes ces chaînes ont souffert, dans les années 2000, de l’arrivée en masse de nouvelles séries, portées par des nouvelles chaînes, qui répondaient à une demande que les chaînes populaires ne parvenaient (et ne parviennent toujours pas) à combler.

 

Certes, Gossip Girl nous donne un peu de scènes osées de temps en temps, mais souvenez-vous (oui je sais que vous vous en souvenez) de tout le cinéma qu’on avait fait autour d’une éventuelle scène ohla-vraiment-trop-osée-avec-un-plan-à-trois, scène dont tout le monde parlait avant qu’elle ne soit diffusée, jusqu’au jour J, lors duquel le public a été quasi-indigné en découvrant tout le remue-ménage qu’on avait causé pour si peu (bon, sauf si vous kiffez Hillary Duff et aimeriez bien la voir embrasser une autre fille, mais croyez-moi, y n’y a pas de quoi faire sourciller un acteur de True Blood).

 

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(Dan, qui n'a jamais dû regarder True Blood)


Certes, les chaînes publiques essaient de se lancer dans des comédies un peu plus sarcastiques et un peu moins « Friends », mais même si certaines sont de vraies réussites (Arrested Developpement, je ne t’oublie pas), on reste globalement dans des séries TV formatées, dans lesquelles bon nombre de spectateurs ne se reconnaissent pas/plus.

 

C’est alors que des chaînes câblées ont développé de nouveaux concepts, moins tirés à quatre épingles et plus vivants. On croyait d’ailleurs qu’il était impossible pour une série télévisée d’être connue si elle n’était pas diffusée par un grand « Network ».

 

AMC en est précisément le contre-exemple, petite chaîne câblée qui est passée sur le devant de la scène grâce au succès incommensurable de Mad Men. Comment expliquer une telle réussite ? Peut-être que le simple fait que la série venait d’une chaîne différente a pu aider son succès (ça fait toujours cool de regarder une série un peu « indépendante », avouez-le, c’est pour ça que vous avez commencé à regarder Mad Men), mais il semble surtout que le public soit prêt à accepter de regarder des séries d’un nouveau genre. La petite chaîne qui ne l’est plus vraiment a d’ailleurs lancé le remake de The Killing – série danoise à l’origine – ainsi que le divertissant The Walking Dead, tous deux de remarquables succès.

 

Qui aurait parié, il y a quelques années, sur le succès mondial d’une série TV focalisée sur un tueur en série renfermé sur lui-même, auquel le public a de grandes chances de peiner à s’identifier ? Showtime a en effet frappé un grand coup en misant sur Dexter, ou encore sur Californication, Weeds, The L World, et les plus récents Nurse Jackie et The Big C.

 

Certaines de ces séries partagent un point commun indéniable : le sexe. Californication l’affiche dès le départ dans son titre, mais Dexter n’est pas en reste ; même si ce n’est pas le principal trait de la série, les réalisateurs n’hésitent pas à nous montrer une ou deux scènes quand elles sont  « nécessaires ».


De même, la chaîne HBO est actuellement maitresse en la matière, avec le fameux True Blood, Hung, ou le dépassé Sex & the City (mais qui montre tout de même que HBO était un précurseur en 1998, en montrant Sarah Jessica Parker et son dildo à la télé).

 

Au rang des séries du câble est venue cette année s’ajouter l’excellente Starz qui a réalisé un coup de génie en produisant la série Boss, centrée sur le milieu de la politique, mettant en scène le magnifique Kelsey Grammer, récent gagnant d’un Golden Globe dans la catégorie « Meilleur acteur dans une série dramatique ».

 

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("En vrai, je n'ai pas l'air si méchant, mais là j'avais fait une tâche sur ma cravate donc on a dû passer en gros plan")

 

Evidemment, l’opposition est immense entre les téléspectateurs des chaînes publiques, défenseurs de la préservation d’une certaine chasteté, et les chaînes câblées qui donnent parfois dans une escalade aux scènes érotiques (cf. True Blood ou comment les scénaristes exultent de pouvoir profiter de la flexibilité et de l’endurance infinie des vampires pour mettre en scène tous leurs fantasmes).

 

Pourtant, on ne peut qu’accepter le caractère explicatif presque instructif d’un The L World, ou encore de Queer as Folks, séries concentrées sur des homosexuels, dont la communauté ne disposait auparavant d’aucun (ou presque) représentant à la télévision.

- Je ne ferai pas de digression trop importante, mais sachant que ces deux séries ont été annulées, et malgré l’effort de certaines séries pour représenter la vie de personnages autres que hétéro (un personnage gay ça va, mais si on en découvre un deuxième dans la même série, ça devient « pas du tout crédible»), on reste dans le milieu qui est le moins représenté dans les médias, et qui en aurait pourtant le plus besoin. -

 

Les chaînes câblées répondent en effet à un besoin, à une demande de certains téléspectateurs qui en ont assez de pouvoir prédire les évènements d’un épisode sans même l’avoir vu. Ces chaînes nous montrent tout simplement un monde un peu plus réel que celui des autres séries TV. Un monde dans lequel quand les gens s’engueulent, ils ne lancent pas forcément des vases dans les murs, où ils ne pleurent pas dès qu’ils sont tristes, où il ne se passe pas 18 évènements en une journée (Dan est gentil mais il se fait un peu avoir par Serena qui fait la gueule à Blair mais elle vient de rompre avec Chuck dont le père est mort mais il avait fait brûler son entreprise pour toucher l’assurance alors des gens sont morts, mais Nate se tait et montre juste sa tête donc on s’en fout du reste).

 

Parfois, dans la vie, on se fait chier.

 

Parfois, il y a des scènes un peu plus lentes (Boardwalk Empire, Mad Men, Breaking Bad, Game of Thrones), et pourtant ça ne gâche pas le plaisir du téléspectateur. Parfois, les gens sont méchants, mais pas méchant dans le style Gabrielle a fait une crasse à Bree du coup Bree refuse de lui apporter des muffins. Parfois les gens sont violents (Prison Break à côté de Oz, c’est l’île aux enfants). Parfois les gens se droguent, mais pas genre Nathan n’arrive plus à jouer au basket parce qu’il est dans un fauteuil roulant et il est degouté parce que Lucas est plus beau que lui, alors il prend des médicaments. Parfois les gens se droguent comme dans Breaking Bad ou The Wire. Parfois, les gens ont passé la barre des 19 ans, et il peut quand même leur arriver des choses intéressantes.

 

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(Breaking Bad, ou comment faire un épisode de 45 minutes sur une mouche)

 

Je vois venir les réactions indignées des lecteurs, qui pourraient me dire :

1. Ben dit donc, sur les chaînes câblées, on ne rigole pas beaucoup, hein ?

2. Donc une bonne série c’est forcément une série violente avec du sexe et de la drogue ?

 

Alors de un, je l’accepte volontiers, sur les chaînes câblées, on ne rigole pas beaucoup. En tout cas, on ne rigole pas autant que sur les autres chaînes. En plus, je suis une passionnée de séries comiques, alors je ne peux que le regretter. Les chaînes câblées devraient faire des progrès dans ce domaine, mais en même temps, on peut comprendre qu’elles aient du mal se lancer, car le milieu est déjà considérablement rempli. Notons tout de même l’apparition de la série comique Louie, qui est la découverte de l’an passé, par la toute petite chaîne câblée FX, qui produit la série. A budget minime, résultat génial.

 

De deux, évidemment que pour moi, une « bonne » série, c’est pas qu’une série avec de la violence, du cul et de la coke. En fait, jongler entre les séries des chaînes câblées et les chaînes publiques, c’est un peu comme écouter les Doors et Pink Floyd, puis Cocoon et les reprises de Glee. Les quatre sont dans ma playlist Deezer, mais je ne les écoute pas en même temps ni pour les mêmes raisons.

 

Je ne cracherai pas sur Grey’s Anatomy, Gossip Girl ou Glee, parce que ce sont des séries TV faciles à regarder, dont il est facile d’avoir l’impression de connaître les moindres recoins et les facettes cachées de tous les personnages. Ces séries TV sont indispensables car elles rassurent et permettent, l’espace de quarante min, de passer un bon moment sans pour autant devoir se concentrer ou réfléchir plus loin qu’au premier, voire second degré. 

 

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(Glee, ou la seule série qui ait réussi à trouver un signe de ralliement plus nul que celui de la campagne de François Hollande)

 

Pour ma part, l’important et de savoir ce qu’on attend des séries TV et d’avoir conscience de ce qu’elles nous apportent, et de la place qu’on leur donne dans notre quotidien.

 

Sans jugement.

Aucun.

 

Enfin bon, c’est quand même la honte de regarder encore One Tree Hill en 2012.

 

Publié dans Sciences des séries

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