Legit : les losers sont à l’honneur
Le 17 janvier dernier, la chaîne FX (The Shield, Nip/Tuck, Louie, Justified) a sorti Legit, dans un silence presque complet. Si les chroniqueurs français l’ont mentionnée ça et là, il faut batailler pour trouver une analyse de la production sur les sites américains.
Pourtant, la chaîne est suivie de très près, et ses nouveautés sont souvent passées au crible, notamment dans l’espoir de trouver la prochaine Louie (lancée par FX il y a 3 ans et devenue un succès mondial dans le monde des séries). Peut-être est-ce parce Jim Jefferies, son créateur et acteur principal, est un comique australien qui n’est connu que depuis 2008 aux Etats-Unis. Peut-être aussi car il est difficile d’analyser sa série.
Les deux épisodes déjà diffusés montrent une production originale de 20 minutes, qui s’oppose à la nouvelle mode des séries de 28 minutes que l’on voit se développer depuis quelques années sur les chaînes câblées. Le personnage principal, c’est Jim, un « loser », un trentenaire sans attaches qui n’a jamais cherché à construire sa vie.
Il le dit d'ailleurs lui-même : « I’ve gone further than anyone with my looks or my intellect should have ever gone, and i’m miserable ! » ("je suis monté bien plus que n'importe quelle personne de mon niveau intellectuel ou physique aurait dû monter, et je suis quand même misérable!")
Le premier épisode de Legit ne marque pas un « changement » chez lui, comme le synopsis semble le dire. Jim n’a pas décidé de changer d’attitude et d’aider les autres pour faire le bien autour de lui, mais simplement de s’intéresser au frère handicapé de son meilleur ami Steve. Il faut dire que Billy attire facilement l’attention sur lui : à cause de son atrophie musculaire, il lui est impossible de bouger son corps et il doit, de ce fait, se déplacer en fauteuil électrique.
L’avènement de l’anti-héro
Les trois amis ont la particularité ne n’avoir pas grand chose pour eux. Suivre leurs aventures revient donc à s’attacher à des « losers » qui ne font que traîner, faire la fête et se moquer les uns des autres. En cela, Legit fait écho à la tendance de ces dernières années à l’autodépréciation et aux antihéros. De Louie aux « losers » de Community, en passant par la famille Bluth de Arrested Development, la mode est aux blagues piquantes qui écorchent les personnages et leurs habitudes.
Dans Legit, l’humour est toutefois moins subtil que dans les séries susnommées. Les blagues qui reposent sur des références sexuelles fonctionnent moins bien que celles qui misent complètement sur l’humour noir. Par exemple, lorsque Jim accepte d’emmener son ami handicappé dans un bordel, la mère de se dernier s’insurge en lui disant que ça pourrait le tuer. La réponse de Jim ? « He’s going to die soon anyway ! » ("il va bientôt mourir, de toute manière !"), devant Billy, qui ne semble pas lui en tenir rigueur, voire acquiesce à cette affirmation.
La série oscille en fait entre humour très noir et bons sentiments, ce qui n’est pas courant et peut être déconcertant. Les personnages sont attachants et donnent l’impression de vouloir faire de bonnes actions, mais au cœur des épisodes, ce sont plutôt les déboires et les moments de débauches des trois amis qui priment.
L’avantage, c’est qu’on oublie paradoxalement très rapidement qu’un des protagonistes est handicapé. Il est cynique comme les autres, et n’est ni trop plaint, ni trop mis en avant. Il hérite aussi de bonnes lignes, comme lorsqu'il s'adresse à Jim: « Don’t kill yourself, please. Who would wipe my ass ? » (Ne te tue pas s’il te plait. Qui me torcherait le cul ?).