The Carrie Diaries, plus proche de Gossip Girl que de Sex And The City
The Carrie Diaries (The CW) a tout de la série « Ikéa ». Elle est facile à comprendre, jolie à regarder et on donne des solutions clés en main au téléspectateur. Comme un bon blockbuster, la production est travaillée au millimètre près pour plaire à son cœur de cible, mais aussi, surtout, pour ne faire aucune vague.
Sauf qu’elle est censée être un « prequel » (une histoire qui précède une œuvre antérieure) à Sex And The City (SATC), monument de la fin des années 1990. Si la série a mal vieilli, elle reste pourtant une des productions qui a bouleversé le paysage télévisuel américain. D’une part, car elle était diffusée sur le câble et que HBO a explosé grâce à cette comédie acide, mais aussi parce que SATC était, à l’époque, une série crue qui n’hésitait pas à aborder des sujets tabous.
The Carrie Diaries est, quant à elle, diffusée sur The CW, la chaîne « network » populaire pour ados sur laquelle passent aussi Supernatural, Beauty and the Beast, One Tree Hill, 90210 et Gossip Girl. Cette différence peut paraître mince mais elle est en fait cruciale. Pour comprendre, il suffit d’imaginer Sex And The City diffusée sur un network. Pas de gros mots, pas de scènes graphiques, pas de discussions sur les meilleurs sextoys de Manhattan. En fait, pas de Sex And The City.
The Carrie Diaries est l’incarnation de ce cauchemar. La production a perdu tout ce qui faisait le charme de son « ancêtre » mais n’a pas hésité à surfer sur sa popularité pour faire parler d’elle. A l’inverse, elle a gardé le seul ingrédient horripilant de SATC : son sexisme.
SATC mériterait un article à part entière, mais il faut surtout se rappeler que si elle mettait en avant le goût des femmes pour les « plaisirs de la vie », elle n’en était pas moins une œuvre déprimante d’un point de vue féministe. Les quatre jeunes femmes avaient beau être émancipées sexuellement, elles n’en étaient pas moins accrochées aux hommes, et incapables de vivre sans eux. Au fil des saisons, il était devenu évident que les héroïnes passaient plus leur temps à chercher le grand amour (voire le chasser) que de construire leur propre vie, indépendamment de la reconnaissance de leur petit ami.
On retrouve ces mêmes mauvaises habitudes dans The Carrie Diaries. Les épisodes (pour le moment, seulement deux ont été diffusés aux USA) se focalisent sur Carrie et sa vie de famille, ce qui a le mérite d’aller à contre-courant de SATC, qui faisait abstraction des liens familiaux de ses personnages. Cependant, la série de 2013 se présentait plutôt comme l’illustration de la rencontre entre Carrie et Manhattan. Cet aspect était alléchant sur le papier, car New-York n’était pas seulement un lieu de tournage pour SATC mais un protagoniste à part entière. Dans la série de 2013, la ville est absente.
A la place, la métropole est incarnée par Larissa Loughlin, une jeune rédactrice « hype » qui travaille pour le magazine Interview dont Carrie est fan. Ces dernières se rencontrent rapidement et Carrie découvre la vie dont elle rêvait : les paillettes, les boîtes de nuit, la mode, et beaucoup d’hommes gays. Sauf qu’après une escapade dans ce monde, elle revient dans son lycée du Connecticut, et on retombe dans 20 minutes de frasques amoureuses adolescentes presque plus énervantes qu’ennuyeuses.
L’image de fin du deuxième épisode en dit long sur la série : 4 filles se retrouvent pour discuter de garçons et se plaindre qu’ils leur manquent. Parmi elle, une seule a la décence de leur dire qu’elles sont ridicules : la sœur de Carrie, Dorrit. Si cette dernière n’a pas un grand rôle dans SATC, elle est très présente dans The Carrie Diaries, et a l’air d’être le seul personnage à sauver de tout le lot.
Malheureusement, ça ne sera pas assez pour la série. On peut la regarder pour s’amuser des quelques décors, costumes et musiques qui rappellent les années 80, mais au final ce n’est rien de plus qu’un Gossip Girl sans iPhone, et sans mordant.
Pour justifier son arrivée dans le paysage audiovisuel, Carrie ouvre l’épisode 2 en annonçant : « Avant qu’il y ait du sexe, avant qu’il y ait la ville, il y avait moi, Carrie ». Sauf qu’on aurait préféré ne jamais le découvrir.